Lexique ignatien

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Contemplatif dans l’action, discernement, Magis ou encore relecture : autant d’expressions et de mots qui caractérisent la spiritualité ignatienne. Les découvrir peut permettre à chacune et à chacun d’entrevoir des routes nouvelles et pleines de vie pour rencontrer Dieu.

Pour le dictionnaire Le Robert accompagner c’est : « Se joindre à quelqu’un pour aller là où il va, en même temps que lui, l’escorter. » Cela indique une certaine attitude à l’égard de l’autre. Ce n’est pas lui imposer un itinéraire, ni même connaître la direction qu’il va prendre, mais marcher à ses côtés.

L’accompagnateur est celui qui fait la route avec, et, en quelque sorte, la trace, parce qu’il en a déjà une certaine expérience, qu’il connaît le pays et s’y trouve lui‐même engagé. D’une certaine manière, il précède pour que l’autre puisse à son tour avancer. À un moment donné, il passera à côté de lui parce que l’expérience a pris forme. Enfin, il veillera, sans doute, à le suivre pas à pas. Il devient le témoin pour éventuellement l’aider à se souvenir de ce qu’il a entrepris ou décidé.

Il est évident qu’à travers cette symbolique de la marche ou du voyage à entreprendre, bien d’autres résonances apparaissent pour qualifier un accompagnateur. C’est bien un peu d’un maître qu’il s’agit, qui forme un disciple. Ou encore d’un pédagogue qui s’efface pour aider une liberté à devenir responsable de sa vie devant les autres et devant Dieu. Ou encore d’un précurseur dont l’unique souci est que l’autre puisse trouver son chemin.

Nous accompagnons des personnes parce que nous sommes nous‐mêmes à la suite du Christ. C’est ce mouvement qui définit le mieux l’accompagnement chrétien. Nous ne pouvons inviter des hommes et des femmes à suivre le Christ que si nous vivons chaque jour en « compagnons de Jésus ».

Si le terme est récent, l’accompagnement spirituel n’a pas commencé avec Ignace de Loyola : dès les origines de la vie monastique, l’ouverture du cœur, la ‘manifestation des pensées’ des premiers moines chrétiens au désert a été un moyen essentiel pour progresser dans la vie spirituelle. Les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola marquent cependant un tournant dans l’histoire de la direction spirituelle dont ils relancent et renouvellent la pratique.

Dans le cadre des Exercices Spirituels, le retraitant qui désire s’engager à entrer dans la retraite est donc aidé dans sa démarche par un accompagnateur spirituel (celui qui donne les Exercices).

Bibliographie :

  • « L’accompagnement, une nouvelle donne éducative », Enseignement catholique actualités, n° 250, 2000 ;
  • « Accompagner », Cahiers de l’Atelier, n° 479, 1998 ;
  • « L’accompagnement spirituel », Christus, n° 153 HS, 1992 ;
  • « L’accompagnement / coaching, mentorat, parrainage », Lumen Vitae, n° 2, 2008 ;
  • Marie-Luce BRUN, « La foi de l’accompagnateur », Christus, n° 170 HS, 1996, p. 306-309 ;
  • Sylvain CARIOU-CHARTON s.j. (dir.), Accompagner les jeunes adultes, Lessius, Namur-Paris, 2017 ;
  • Denis DELOBRE s.j., « Accompagner, pilier de la pédagogie ignatienne », Christus, n° 230 HS, 2014, p. 70-76 ;
  • Léo SCHERER s.j., Être accompagné, Vie Chrétienne, Paris, 2012.

Littéralement « Pour une plus grande gloire de Dieu ». Cette expression est souvent considérée comme la devise historique des jésuites, avec « En todo amar y servir ». Ad Majorem Dei Gloriam (ou AMDG), dit le but final que devrait être chaque acte de la vie d’un jésuite. Ses relations, ses paroles, son travail, et pourquoi pas ses loisirs, doivent avoir une fin : Une plus grande gloire de Dieu, c’est-à-dire participer à la réalisation de l’alliance entre Dieu et l’humanité dans l’histoire. Parfois, la traduction est « La plus grande gloire de Dieu », mais elle pourrait faire croire (à tort !) que seuls les jésuites seraient capable de servir Dieu pour sa plus grande gloire… un péché d’orgueil.

Dans les Exercices spirituels, le mot espagnol affección n’est pas à prendre dans un sens sentimental (avoir de l’affection pour), mais comme l’expression d’une dimension fondamentale de l’homme : sa relation aux personnes et aux choses. Il vient du courant mystique de la devotio moderna, qui s’enracine lui‐même dans la piété monastique, notamment cistercienne. À partir de saint Bernard de Clairvaux (XII° siècle), s’est répandue une manière de prendre en compte la sensibilité dans la vie spirituelle elle‐même. On la sanctifie en la reconnaissant et en la pénétrant d’Évangile.

Le mot, selon cette tradition, est important pour faire comprendre ce que saint Ignace comprend par « volonté ». Cela se situe moins dans la ligne de l’effort humain que dans celle du désir. Avec la mémoire et l’intelligence, la volonté est la troisième faculté de l’âme. C’est la capacité d’être affecté et, en retour, de sentir et de répondre par l’amour. En un sens, on pourrait traduire ce mot aujourd’hui par celui de « cœur ».

La volonté renvoie aussi à la capacité de décider, de vouloir, ne serait‐ce que de prendre la décision d’appliquer la mémoire ou de faire travailler l’intelligence.

Il y a donc dans la volonté un aspect passif (se laisser toucher au cœur) et un aspect actif (décider, vouloir), tous deux étroitement liés – l’aspect actif étant au service de l’aspect passif. Ainsi, la volonté conduit à la liberté tout en en assumant la complexité. La liberté ignatienne est ainsi un mixte de désir et de libre arbitre.

Bibliographie :

  • « Affectivité et vie spirituelle », Christus, n° 168 HS, 1995 ;
  • « Psychologie et vie spirituelle », Christus, n° 210 HS, 2006 ;
  • Patrick GOUJON s.j., « L’affectivité chez Ignace de Loyola», Christus, n° 233, 2012, p. 104-111.

A venir

A la fin des Exercices Spirituels, Ignace de Loyola invite à « aimer et servir Dieu en toutes choses » (« Contemplation pour parvenir à l’amour, n°233). Tel est l’accomplissement de la vocation de tout homme à « louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme » (« Principe et Fondement, n°23). Toute sa spiritualité et sa pédagogie s’inscrit entre ces deux temps. Cet élan, vécu dans le contexte de la Renaissance, garde toute sa vigueur pour les hommes du XXIème siècle. Pour eux encore l’essentiel se résume en quatre points : Découvrir que chacun est nommé, reconnu, appelé de façon unique ; Aimer parce que la gratuité de l’amour reçu du Christ appelle à la louange ; Servir car la louange conduit au respect et au service ; En toutes choses pour autant que tout ce qui concerne l’homme concerne Dieu.

Bibliographie :

  • « Aimer Dieu en toutes choses. La contemplation pour parvenir à l’amour selon les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola », Christus, n° 159 HS, 1993.

Dans la simple rencontre, dans la relation éducative, dans l’accompagnement spirituel, rien de constructif ne peut commencer sans un a priori de bienveillance. Il ouvre à l’autre, au prochain, à sa différence, il respecte sa liberté et le dispose à donner le meilleur de lui-même. Il ouvre à l’autre, au prochain, à sa différence, il respecte sa liberté et le dispose à donner le meilleur de lui-même. Comme toute la pédagogie jésuite, l’a priori de bienveillance, autrement appelé présupposé favorable, s’enracine dans l’expérience spirituelle de saint Ignace, dans les Exercices Spirituels.

« Il faut présupposer que tout bon chrétien doit être plus enclin à sauver la proposition du prochain qu’à la condamner. Si l’on ne peut la sauver, qu’on lui demande comment il la comprend ; s’il la comprend mal, qu’on le corrige avec amour ; et si cela ne suffit pas, qu’on cherche tous les moyens adaptés pour qu’en la comprenant bien on la sauve. »

Exercices Spirituels, n°22

Bibliographie :

  • Christiane Conturie s.f.x., « Eduquer, entre bienveillance et exigence », Christus, n°230 HS, 2014, p. 53-57
  • Bernard Peeters, « Exigence et bienveillance. Créer et bénir. », ibid., p. 65-69
  • Jean Caron, « Une vertu qui s’éduque », Christus, n°249, 2016, p. 22-30
  • Anne Fumex, « Un travail de l’Esprit. L’annotation 22 des Exercices Spirituels, un présupposé favorable », ibid., p. 62-70
  • Joesp Maria Margenat, La pédagogie jésuite. Des origines à nos jours, Lessius, 2018

Pour aller plus loin :

https://www.jesuites.com/developper-un-a-priori-de-bienveillance/

Le choix est l’aspect matériel de la décision ; il suppose trois éléments : une alternative, une préférence et un sacrifice. La décision est l’aspect subjectif du choix. La décision ne se confond ni avec le discernement, ni avec la délibération qui est l’affrontement des arguments en vue d’une décision.

Ignace de Loyola est l’héritier de la grande tradition chrétienne du discernement qui prend sa source dans la Bible, et spécialement dans les écrits de saint Paul. Ce qu’il apporte de spécifique, c’est l’application de ce discernement à la prise de décision. Selon la logique de l’amour qui consiste plus dans les actes que dans les paroles ou les sentiments (« Contemplation pour parvenir à l’amour », n° 230), la décision, depuis les choix quotidiens jusqu’aux grandes options de la vie, est le lieu véritable de la rencontre de Dieu. C’est ainsi que Dieu lui-même, Trinité Sainte, a aimé le monde, « en décidant dans son éternité que le Verbe se ferait chair pour le salut du genre humain » (« Contemplation de l’Incarnation, Ex. sp. n°102).

L’étonnant nouveauté qu’apporte saint Ignace, pour en avoir fait lui-même l’expérience, consiste à ce que la volonté de Dieu peut être cherchée et trouvée, non seulement dans les directives venues de l’extérieur, les commandements de Dieu et de l’Eglise, mais aussi et surtout dans cette communication et ce dialogue poursuivi entre le Créateur et la créature où Dieu se révèle à l’intime du cœur.

Bibliographie :

  • François-Xavier Boca sj, « Apprendre à faire des choix. La pédagogie du Mouvement Eucharistique des Jeunes », Christus, n° 164, 1994, p. 501-508
  • Bernard Bougon sj et Laurent Falque, Pratiques de la décision. Développer ses capacités de discernement, Dunod, Paris, 2009
  • Bernard Bougon sj et Laurent Falque, Discerner pour décider. Comment faire les bons choix en situation professionnelle, Dunod, Paris, 2014
  • Marie-Luce Brun r.a, Oser décider, Editions de l’Atelier, Paris, 2005
  • L. Falque et Olivier Tavignot (dessins Charles Hénin), Une histoire de choix. Pour mieuxdécider, s.e., 2018
  • Jacques Fédry sj, Libre pour se décider. La manière d’Ignace de Loyola, Vie Chrétienne, Paris, 2004
  • Luc Pareydt sj, « Choisir, décider, préférer », Christus, n° 230 HS, 2014, p. 47-52
  • Léo Scherer, Inscrire Dieu dans nos choix, Vie Chrétienne, Paris, 1997
  • Johannes Maria Steinke, Décider !, Fidélité, Namur, 2010

A venir

La Compagnie de Jésus est un ordre religieux catholique missionnaire fondé en 1540 par saint Ignace de Loyola. Elle comprend aujourd’hui près de 17000 membres présents dans le monde entier, dont 530 travaillent sur le territoire de la Province d’Europe Occidentale Francophone (France, Belgique, Luxembourg, Grèce et Océan Indien).

Prêtres ou frères, les jésuites sont des « religieux » qui se sont engagés à vivre selon les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. L’objectif de ces vœux est d’être disponible pour se mettre au service de l’Église et d’être libre pour aider les autres à rencontrer Dieu.

Les Exercices Spirituels constituent la colonne vertébrale des jésuites. S’il n’y a pas deux jésuites pareils, ils sont tous marqués par cette expérience commune d’avoir vécus les trente jours d’Exercices Spirituels. Suite à cette expérience de conversion personnelle, ils ont la volonté de proposer cette spiritualité qui mène à Dieu au plus grand nombre.

« Aimer et servir » est la devise de la Compagnie de jésus. Elle dit combien les jésuites sont des hommes qui prient et agissent dans le monde, au service de Dieu et des hommes. Les jésuites veulent ainsi être des hommes pour les autres.

Sources :

« Chercher et trouver Dieu en toutes choses », telle est l’expression qui résume la spiritualité d’Ignace de Loyola, celle que l’on retrouve si souvent dans ses écrits, comme dans le témoignage de ses proches. Ainsi, celui de Jérôme Nadal, son confident et collaborateur : « Nous savons que le Père Ignace avait reçu de Dieu la grâce singulière de pratiquer librement la contemplation de la très Sainte Trinité et s’y reposer… Et en outre, en toutes choses, actions, conversations, il était contemplatif dans l’action même, comme s’il y sentait et contemplait la présence de Dieu et goûtait les réalités spirituelles. Ce qu’il avait coutume d’exprimer par ces mots : il faut trouver Dieu en toutes choses. »

Ce « charisme ignatien » peut s’exprimer en trois axes majeurs :

1. Une spiritualité de la décision ;
2. Une mystique du service
3. La prise en compte des médiations humaines, en particulier celle de l’éducation

« Spiritu, corde, practise », disait Nadal pour résumer la « manière de procéder » de saint Ignace. Tout entreprendre sous la dépendance de l’Esprit du Christ, discerner selon le cœur, mettre en pratique. Le message d’Ignace, sa spiritualité, n’est pas dans l’insistance sur l’action ou la contemplation, l’obéissance ou la liberté, l’Église ou le monde, la foi ou la justice… Il est dans l’intégration créative de ce qui est si difficile à tenir ensemble. Vivre divinement le plus humain, exprimer humainement le plus divin, tel est le chemin par lequel l’Esprit l’a conduit, un chemin pour aujourd’hui.

La recherche passionnée de l’intégration de tensions contradictoires constitue un marqueur significatif de la spiritualité ignatienne dont la trace se retrouve constamment dans sa déclinaison en éducation. Ignace de Loyola ayant effectivement reçu la grâce de vivre de façon unifiée ce que nous tenons généralement pour antinomique, la pédagogie jésuite ne va cesser d’établir ponts et passages entre des extrêmes ou des opposés. Action et contemplation donc, mais aussi foi et raison, vie intérieure et brio rhétorique, temps personnel et dynamique de groupe, émulation et politique des petits pas, fidélité au cœur de la foi et mission aux frontières de l’Église : autant de facettes que jeunes et adultes sont incités à investir à la suite du Christ, pleinement homme et pleinement divin. Le chemin de l’incarnation est un chemin d’unité et ce chemin d’unité ouvre le Christ pour ceux qui se mettent à sa suite.

Bibliographie :

  • William A. BARRY s.j. et Robert G. DOHERTY s.j., Contemplatifs dans l’action. La voie jésuite, Fidélité, Namur, 2002 ;
  • Richard J. HAUSER s.j., Conduits par l’Esprit. Devenir contemplatifs dans l’action, Vie Chrétienne, Paris, 2015.

Dans la vie courante, contempler c’est rester sans rien dire, à regarder, à écouter et se laisser faire (par une œuvre d’art, un paysage…). C’est goûter, admirer, se laisser mouvoir par ce qui provoque la vue ou l’écoute des choses.

Dans la tradition chrétienne, une anecdote savoureuse explicite ce qu’est la contemplation. Le Curé d’Ars demande à un paysan qui passe beaucoup de temps à l’église ce qu’il y fait, et lui de répondre : « Je l’avise et il m’avise », autrement dit : « Je le regarde et il me regarde. » C’est cela contempler dans la perspective évangélique, c’est regarder, se laisser regarder jusqu’à ce que l’on devienne ce que l’on contemple.

L’approche ignatienne approfondit la voie de cet échange prodigieux qu’inaugure l’Incarnation, en faisant des sens comme des médiateurs entre expérience sensible, corporelle et expérience spirituelle, mystique.

La contemplation ignatienne est une manière de prier qui se qualifie par son objet : les mystères de la vie du Christ dans l’Évangile, et aussi dans l’histoire qui continue, comme dans la « Contemplation pour parvenir à l’amour » (Ex. sp. 230‐237). Dans la contemplation, les actes de l’intelligence sont ramenés à une simple attention de présence active, dans un effacement progressif du discours. Il s’agit, dans cet exercice spirituel, de fréquenter le Christ par une approche concrète et humble, en accueillant les éléments sensibles dont sont empreints les écrits évangéliques : voir les personnes, entendre les paroles, faire attention aux actes (Ex. sp. 106‐108).

Bibliographie :

  • « La prière », Christus, n° 178 HS, 1998 ;
  • Alberte DELISLE, Prier dans l’ordinaire des jours, Vie Chrétienne, Paris, 2016 ;
  • Daniel DESOUCHES s.j., « La contemplation évangélique », Christus n° 170 HS, 1996, p. 157-160 ;
  • Claude FLIPO s.j., Invitation à la prière, Vie Chrétienne, Paris, 2014 ;
  • Franz JALICS s.j., La prière de contemplation, Fidélité, Namur, 2008 ;
  • Betty OUDOT, Jalons pour prier. À l’école d’Ignace de Loyola, Vie Chrétienne, Paris, 2012 ;
  • Yves RAGUIN s.j., Chemins de la contemplation. Éléments de vie spirituelle, Desclée de Brouwer, Paris, 1992 ;
  • Michel VAN HERCK, Prier à la manière d’Ignace de Loyola, Vie Chrétienne, Paris, 2015.

Au cours de toute vie de prière, il y a des temps de haute et de basse pression, des temps d’été où la vie circule en nous, éveillant et portant des fruits, et des temps d’hiver où au contraire la vie semble au point mort.

Saint Ignace appelle ces temps d’été des « Consolations ». Ce mot traverse la Bible toute entière, depuis Isaïe jusqu’à Jésus, qui nous promet l’Esprit Consolateur. Les « consolations », selon Ignace, sont ces visites de l’Esprit, ces moments durant lesquels nous nous sentons réconfortés, tonifiés, encouragés à aimer davantage, pleins d’énergie pour travailler au service de Dieu. Elles sont en quelque sorte un avant-goût de ce que nous serons amenés un jour à vivre en plénitude. Ces périodes de vigueur spirituelle sont donc désirables… Et il est bon d’y aspirer, et d’essayer de les entretenir, lorsqu’elles nous sont données.

On repère la consolation au fait qu’elle ne nous détourne pas des choses ni des personnes. Les douleurs et les larmes que nous pouvons éprouver nous portent à l’amour. Un autre effet qui permet de repérer la consolation est une augmentation de foi, d’espérance et de charité : ce n’est plus seulement du côté du « senti » mais quelque chose fait grandir en nous les vertus théologales, cela s’exprime à la fois par un dynamisme et un repos.

A l’inverse, la désolation est un moment de basse pression où l’on se replie sur soi-même. Une envie de ne rien faire, une désespérance, de multiples raisons qui nous embrouillent et empêchent d’agir, nous nous déprécions, nous nous trouvons nuls…

La relecture de la prière, de la journée, peuvent aider à repérer ces mouvements.

Sources :

Le dialogue contemplatif est une manière de prier avec un passage de la parole de Dieu.

Pour vivre le dialogue contemplatif :

https://www.ndweb.org/2017/02/kit-spirituel-24-prier-en-vivant-un-dialogue-contemplatif/

Le discernement est d’abord la mise en lumière d’un événement particulier en le distinguant des événements voisins.

Dans le domaine éthique, le discernement vise à identifier la finalité propre d’une personne, ce qui permet de hiérarchiser objectifs et moyens.

Dans le domaine spirituel, la tradition ignatienne parle de discernement des esprits. Ce discernement consiste à repérer l’origine (bonne ou mauvaise) des divers états d’âme ressentis par une personne sollicitée par des images de la vie courante ou de la tradition chrétienne.

Ce discernement des esprits est mis en œuvre en vue d’une décision – choix de vie, responsabilité à prendre, action à engager.

C’est une notion clé du vocabulaire ignatien. Mobilisant successivement la raison et l’affectivité, le discernement vise soit à déterminer la bonne conduite à tenir dans les circonstances particulières, soit à chercher et à suivre la voie particulière qui réalisera au mieux toutes les potentialités d’une personne en lui faisant répondre à sa vocation propre. La fine pointe du discernement n’est pas tant de choisir entre le bien et le mal, mais de choisir entre deux biens. Avec le discernement des esprits, nous apprenons à reconnaître le bien qui habite toute situation et à choisir ce qui mène à un bien plus grand.

Par la grâce du discernement des esprits reçue par Ignace de Loyola, l’expérience est le terrain premier de la pédagogie jésuite. Relire ce qui s’est déroulé, apprendre à laisser se dégager des lignes de forces de ce qui se répète, y déchiffrer ce qui se construit ou s’épuise, tout cela développe un apprentissage personnel des choses où ce qui importe n’est pas d’en savoir beaucoup mais de « sentir et goûter intérieurement » les choses. L’apprentissage expérimental, avec ses essais et ses erreurs, ses hypothèses et ses vérifications, ses déconvenues et ses découvertes, a fourni son modèle à l’expérience spirituelle d’Ignace de Loyola et se redéploie naturellement dans les Collèges. Plus qu’apprendre, il s’agit de s’exercer.

Bibliographie :

  • Adrien Demoustier s.j., « Introduction aux règles de discernement », Christus, n° 170 HS, 1996, p. 256- 257 ;
  • Jean-Claude Dhôtel s.j., Discerner ensemble. Guide pratique du discernement communautaire, Vie Chrétienne, Paris, 2013 ;
  • John Caroll Futrell s.j., Le discernement spirituel. Prière et décision, Vie Chrétienne, Paris, 1994 ;
  • Jean Gouvernaire s.j., Mener sa vie selon l’Esprit, Vie Chrétienne, Paris, 1977 ;
  • Clives Staples Lewis, Tactique du diable. Lettres d’un vétéran de la tentation à un novice, Gießen, Brunnen Verlag, 1994, 2005 ;
  • Monique Lorrain, Discerner. Que se passe-t-il en nous ?, Vie Chrétienne, Paris, 2014 ;
  • Jean-Guy Saint-Arnaud s.j., Où veux-tu m’emporter, Seigneur ? Approches du discernement spirituel, Médiaspaul, Montréal, 2002 ;
  • Léo SCHERER s.j., Le combat spirituel, Vie Chrétienne, Paris, 2013 ;
  • ID., « Le discernement des esprits », Christus, n° 252, 2016, p. 98-109.

Pour aller plus loin :

Ce qu’Ignace de Loyola veut mettre en relief dans cette expression caractéristique de sa spiritualité, c’est le couple indissociable de l’amour (caritas) et du discernement (discreta) : élans du cœur et intelligence spirituelle n’ont pas à être séparés. Plus l’amour est fort, plus le discernement s’impose, non pas pour le contraindre et le diminuer, mais pour le canaliser. Le rôle du discernement n’est pas d’éteindre la passion, mais, au contraire, de la favoriser et de la servir en lui donnant de s’exercer à plein sans s’égarer ni se perdre. L’amour est comme un feu et le discernement agit en quelque sorte comme un thermostat, un régulateur de chaleur. L’expérience montre qu’on peut faire du mal avec du bien par un amour excessif, indiscret et intempestif.

L’amour est le courant qui prend sa source dans la Trinité et retourne à elle. C’est, en nous, le sens de l’illimité qui fait qu’aucun de nos désirs n’est jamais comblé et laisse « notre cœur inquiet tant qu’il ne repose pas en Dieu » (saint Augustin). C’est, pour l’apôtre, la conviction de n’avoir encore rien fait et de vouloir toujours faire « davantage ». C’est enfin ce sens spi‐ rituel qui rend capable de « reconnaître Dieu en toutes choses ».

Le discernement, pour Ignace, est l’incarnation de l’amour. C’est, en nous, le sens des limites qui oblige à choisir, parmi tant d’autres possibles, le meilleur service, et qui traduit l’amour divin dans une action humaine précise. C’est l’humble recherche de ce que Dieu veut « ici et maintenant ».

L’amour sans le discernement est un rêve qui ne passe plus par les chemins des hommes et s’égare dans un infini sans contenu réel. Le discernement sans l’amour est une recherche desséchante qui, incapable de saisir la finalité de l’action humaine, s’enlise dans l’activisme.

Seul le couple « amour‐discernement », parfaitement vécu en Jésus‐Christ, l’Amour incarné, permet la synthèse de la contemplation et de l’action, du désir et de l’efficacité, de l’universel et du particulier.

La discreta caritas contient le juste milieu, la mesure entre le réchauffement et le refroidissement, mais aussi entre une voie laissée au discernement personnel et des règles obligatoires pour tous ; elle n’est toutefois pas à considérer comme une sorte d’équilibre entre amour et prudence ou un savoir‐faire mesuré et bien calculé. Chez Ignace, l’envers de l’amour bien ordonné n’est pas la folie mais « l’affection désordonnée » qui se détourne aussi bien de la gloire de Dieu que de la folie de la croix.

La discreta caritas parle de modération, de mesure entre les deux extrêmes « trop et trop peu », mais elle ne peut contredire le magis ignatien et la troisième sorte d’humilité selon laquelle

« Je désire davantage être tenu pour insensé et fou pour le Christ qui, le premier, a été tenu pour tel, que sage et prudent dans ce monde »

Ex. sp. 167

C’est l’amour qui crée ce désir typiquement chrétien. Le discernement ne le règle pas, ni ne le rend plus raisonnable, mais il insère ce désir dans la recherche active de la volonté de Dieu. L’amour est le fruit du discernement des esprits.

Bibliographie :

  • Patrick Goujon s.j., « Pudeur et délicatesse », Christus, n° 230 HS, 2014, p. 86-89 ;
  • Marie-Françoise Jallade, « Éthique et déontologie enseignantes », ibid., p. 64-69 ;
  • Peter- Hans Kolvenbach s.j., Suivre le Christ, un choix exigeant, Desclée de Brouwer, Paris, 2010, p. 241-256.

Les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola ne sont pas seule‐ ment un best‐seller de la spiritualité moderne, ils appartiennent à la culture. Leur pédagogie passionne autant les hommes et femmes de prière que les psychologues, les enseignants, les philosophes, les théologiens, et même les managers.

L’origine des Exercices est l’expérience d’Ignace de Loyola, si‐ tuée dans le renouveau spirituel en Espagne à la Renaissance, ce qui explique leur structure très novatrice. Leur but consiste essentiellement à aider à choisir la meilleure manière de suivre le Christ. La contemplation de ses faits et gestes, rapportés par les Évangiles, constitue le cœur de cette pédagogie. Du XVIe siècle à nos jours, les Exercices spirituels ont été donnés tour à tour avec souplesse et rigidité, selon la lettre ou selon l’esprit.

Les Exercices sont un livret élaboré par saint Ignace entre le temps de sa conversion (1522) et leur reconnaissance officielle par le pape (1547). C’est un parcours méthodique fournissant une succession d’exercices à réaliser au rythme de cinq exercices par jour et sur une durée d’environ trente jours : « De même que la marche ou la course sont des exercices physiques, de même on appelle exercices spirituels toute manière de préparer et de disposer l’âme pour écarter de soi tous les attachements désor‐ donnés et, après les avoir écartés, pour chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de sa vie en vue du salut de son âme » (Ex. sp. 1).

Selon la tradition spirituelle et éducative initiée par Ignace de Loyola, la proposition d’un exercice n’est donc pas celle d’un savoir, mais d’un savoir‐faire ou d’un faire ; elle s’inscrit dans une pédagogie active qui permet de passer de la gaucherie à l’aisance, ce qui ne s’obtient que dans une relation entre un maître qui enseigne et un disciple, ou un apprenti, qui reçoit l’enseignement.

Bibliographie :

  • « Pratiques ignatiennes. Donner et recevoir les Exercices spirituels », Christus, n° 170 HS, 1996 ;
  • Maurice Giuliani s.j., Initiation aux Exercices spirituels de saint Ignace, Lessius, 2016 ;
  • Mark Rotsaert s.j., Les Exercices spirituels. Le secret des jésuites, Bruxelles, Lessius, 2012 ;
  • Dominique Salin s.j., « La pédagogie des Exercices spirituels », Christus, n° 230 HS, 2014, p. 41-46.

La famille ignatienne regroupe les différentes congrégations, communautés, mouvements ou associations – tant religieuses que laïques – de spiritualité ignatienne mais relevant de statuts canoniques différents. Elles vivent la spiritualité de saint Ignace de Loyola et ont en commun la pratique des Exercices spirituels.

Les effectifs de ces différentes congrégations, communautés, mouvements ou associations varient, selon les cas, de quelques dizaines de membres à plusieurs dizaines de milliers. Leur nom se réfère parfois au fondateur des jésuites ou à saint François-Xavier, jésuite. Plusieurs de ces groupes ont été fondés par des jésuites.

Sources :

Famille ignatienne | Jésuites (jesuites.com)

Se référer à la notion de “Discernement”

A venir

A venir

Ignace de Loyola fait de l’image un des lieux moteurs de son invitation à entrer dans une expérience spirituelle. Celui qui fait les Exercices spirituels est de fait invité à entrer dans la contemplation d’un texte de la Bible en laissant venir en lui la « composition du lieu » où se trouve la scène qui va nourrir sa prière. Il est ainsi par exemple convié à imaginer la largeur ou l’étroitesse du chemin, à se représenter ce chemin, selon ce qui vient, comme sinueux ou comme tracé au cordeau.

Cette invitation ne relève pas d’un simple artifice de début d’exercice qui consisterait à convoquer les images pour mieux focaliser l’imaginaire et en faire ensuite table rase. Il ne s’agit pas, par cette composition de lieu, d’endiguer toutes les images ou les pensées qui ne cessent de traverser notre esprit pour ensuite nous en débarrasser et faire le vide en nous le temps de la prière. Les images qui s’assemblent alors vont en appeler d’autres, au fil de la contemplation. Celui qui fait les Exercices est invité à se représenter les personnages du texte biblique, à entendre les mots qu’ils prononcent, à voir les gestes qu’ils font. À travers ce jeu d’images, sa prière pourra ainsi se développer en une expérience spirituelle à la rencontre de ce Dieu dont Jésus, son Fils, est l’image.

À certains moments charnières des Exercices spirituels, Ignace de Loyola va jusqu’à composer lui-même le texte de la méditation qu’il propose. Il rédige alors une véritable mise en scène détaillée et imagée (« Méditation des deux étendards », Ex. sp. 136‐156).

L’image n’est pas simplement une accroche pour attirer l’attention avant de passer à des choses ou des réflexions plus sérieuses. Elle n’est pas un sous‐langage destiné aux petits et aux commençants auxquels les mots et la raison feraient défaut. Elle est ce lieu que j’habite et qui m’habite, ce lieu qui me permet de découvrir et de déchiffrer les mouvements intérieurs dont le discernement va m’éclairer pour me disposer à mieux suivre le Christ.

Les images sont un lieu pédagogique pour voir quelles sont les forces qui combattent à l’intérieur de nous‐mêmes et pour nous disposer à agir. Ce que nous avons à faire aujourd’hui, c’est à apprendre à déchiffrer quelles sont les images mobilisées en nous quand nous voyons d’autres images et à déchiffrer à travers notre désir ce qui nous attache, ce qui nous lie à certaines choses.

Par ses Exercices spirituels, Ignace de Loyola nous transmet la grâce d’accueillir le jeu des images qui se développent en nous comme la traduction du combat intérieur qui structure notre itinéraire d’humanité.

Aujourd’hui cette intuition ignatienne ouvre la porte de mille lieues où peut être suscitée, déployée et accompagnée une telle pédagogie de l’image. Elle nous permet de nous situer au cœur de cette longue histoire qui prend à ce jour le visage de la réalité virtuelle. Après la peinture, la bande dessinée, la photographie, le cinéma ou la télévision, l’informatique et Internet plongent notre société dans un monde numérique où l’interactivité et la simulation nous immergent physiquement avec ses stimulations et ses déplacements.

Bibliographie :

  • Pascal Sevez s.j., « L’image dans l’instant du virtuel », Christus, n° 230 HS, 2014, p. 96-102 ;
  • Nicolas Steeves s.j., Grâce à l’imagination : intégrer l’imagination en théologie fondamentale, Cerf, Paris, 2016.

L’indifférence est souvent perçue comme l’attitude négative de celui qui reste en retrait intérieur pour éviter d’être touché et de s’engager. Au contraire, l’indifférence ignatienne est au cœur de l’engagement à la suite du Christ, constituant un passage nécessaire pour découvrir l’appel de Dieu. Cette notion capitale autour de laquelle s’organise la spiritualité ignatienne se trouve dans les Exercices spirituels, et ce dès le Principe et Fondement qui les inaugure (Ex. sp. 23). L’origine de cette notion d’indifférence est la reconnaissance du lien de création qui unit la créature à son créateur.

« Je dois me trouver indifférent sans aucun attachement désordonné de façon à ne pas être incliné ni attaché à prendre ce qui m’est proposé plus qu’à le laisser, ni à le laisser plus qu’à le prendre. Mais, je dois me trouver comme l’aiguille d’une balance pour suivre ce que sentirai être davantage à la gloire et à la louange de Dieu notre Seigneur et au salut de mon âme »

Ex. sp. 179

La spiritualité ignatienne ne nous invite pas à être sans désir, impassible et insensible, mais, à l’heure d’un choix important qui engage la vie entière, elle veut nous apprendre à tout considérer selon la fin pour laquelle nous sommes créés et, ainsi, à nous affranchir de toute forme de fascination pour les choses. En effet, parce qu’elle convertit les choses en fins – elles qui sont des moyens –, la fascination est par essence nuisible à la liberté. L’essentiel est la bonne mesure : un homme doit être totalement engagé dans son désir, pourvu qu’il soit son désir, le désir qui exprime la vérité de ce qu’il est.

Pour éviter l’équivoque de la signification contemporaine du mot « indifférence », il s’avère préférable d’employer l’expression de « disponibilité active » qui lui est sensiblement équivalente sur le registre désigné par Ignace de Loyola.

Bibliographie :

  • Jean Gouvernaire s.j., « L’indifférence », Christus, n° 170 HS, 1996, p. 52-55.

Pour aller plus loin :

Les Exercices spirituels de saint Ignace inspirent des manières de faire qui visent à l’unification de la personne et à son engagement dans le monde. Saint Ignace lie toujours intimement expérience intellectuelle et expérience spirituelle. Dans la tradition jésuite, il est essentiel de faire vivre une telle liaison, joyeuse et riche de sens. D’où l’importance de favoriser chez tous une vie intérieure, grâce à des pratiques qui donnent lieu à des reprises (relectures) : initiation à la prière, retraite de fin d’année ou dans la vie, travail entre enseignants sur les pratiques pédagogiques, célébrations, formations du CEP‐Ignatien…

Bibliographie :

  • Anne-Marie Aïtken xav. et Thierry Lamboley s.j., Guide pratique pour développer sa vie spirituelle. 36 conseils pour aller vers Dieu, SER, Paris, 2 vol., 2014 et 2018 ;
  • Luis Benavides, Initier les enfants au silence et à la prière, Salvator/Fidélité, Paris-Namur, 2010 ;
  • Jean-Claude Dhôtel, La spiritualité ignatienne. Points de repère, Vie Chrétienne, Paris, 2010 ;
  • ID., Dieu au quotidien. À la manière d’Ignace de Loyola, Vie Chrétienne, Paris, 2012 ;
  • Enseignement Catholique Actualités (ECA), Éveiller à l’intériorité, Paris, 2012 ;
  • Xavier Lefebvre et Louis Perin, L’enfant devant Dieu. L’éducation religieuse de la petite enfance, De Gigord, Paris, 1957 ;
  • Hélène Lubienska de Lenval, Entraînement à l’attention, Spes, Paris, 1953 ;
  • ID., Le silence. À l’ombre de la Parole, Spes, Paris, 1957 ;
  • Mark Rotsaert s.j., « La spiritualité ignatienne : une manière de vivre l’Évangile », dans É. Ganty s.j., M. Hermans s.j. et P. Sauvage s.j. (dir.), Tradition jésuite. Enseignement, spiritualité, mission, Lessius, Bruxelles, 2002 ;
  • Jean-Guy Saint-Arnaud s.j., Quitte ton pays. L’aventure de la vie spirituelle, Médiaspaul, Montréal, 2001 ;
  • Léo Scherer s.j., Repères pour la vie spirituelle, Vie Chrétienne, Paris, 2014 ;
  • Jacqueline d’Ussel s.f.x., Apôtre selon l’Esprit. Un chemin de vie intérieure, Parole et Silence, Les Plans-sur-Bex, 2008.

A venir

Devenir un homme libre, tel est l’enjeu de toute vie humaine, de toute expérience chrétienne. Le croyant sait‐il réellement de quoi et comment le Christ le libère ? Combien d’hommes et de femmes se posent, de manière très extérieure, la question de la volonté de Dieu sur leur vie sans jamais s’interroger sur ce qu’ils veulent profondément eux‐mêmes ? Dans la suite de saint Paul dans la lettre aux Galates, véritable charte de la liberté chrétienne, tout le dispositif de saint Ignace dans les Exercices spirituels permet de retrouver ce désir profond, présent en nous, trace de Celui qui nous appelle à la liberté (Ga 5, 13).

Bibliographie :

  • Jacques Fédry s.j., Libre pour se décider. La manière d’Ignace de Loyola, Vie Chrétienne, Paris, 2004 ;

Dans le langage de saint Ignace, magis est ce mot latin qui signifie « plus » ou « davantage » dans le sens de faire mieux avec ce qu’on a et ce qu’on est pour servir Dieu et les autres. En effet, dans les Exercices spirituels ce mot revient presque systématiquement dans un contexte relationnel d’amour : « aimer davantage », « se mettre davantage au service de… », « s’abandonner davantage… ». La dynamique du magis invite à dépasser la frontière de sa propre personne afin de laisser plus de place à l’autre. Le magis induit une force de décentrement qui conduit au cœur de l’expérience chrétienne dans ce qu’elle a de para‐ doxal : c’est en se perdant qu’on advient, c’est en se donnant qu’on reçoit. Le décentrement, s’il est vécu dans l’amour, est donc chemin vers la plénitude de la vie qui permet de devenir des hommes et des femmes pour et avec les autres.

L’amour trouve son expression dans ce mot « davantage » – le mot le plus caractéristique de toute la personnalité d’Ignace de Loyola –, l’amour qui veut toujours « davantage », l’amour illimité en son principe, l’amour qui, toujours tendu vers de plus hauts sommets, est disponibilité au service de Dieu et volonté d’assimilation au Christ : « Désirant et choisissant cela seul qui nous conduit davantage à la fin pour laquelle nous sommes créés » (Ex. sp. 23).

Dans la tradition ignatienne, le magis s’appuie sur la célèbre formule « ad majorem Dei gloriam » (« pour une plus grande gloire de Dieu ») et indique un vif élan spirituel. L’agir est connoté par ce magis, une tension vive qui nous rappelle qu’il est toujours possible de faire un pas de plus que le point où nous sommes arrivés, afin que notre cheminement corresponde à la manifestation toujours plus explicite de la gloire de Dieu.

Cette vision de l’homme correspond à la logique du désir humain, toujours en quête de « davantage » mais jamais saturable.

Bibliographie :

  • Nikolaas Sintobin s.j., « Magis ou l’excellence ignatienne », Christus n° 230 HS (2e éd.), 2014, p. 58-61.

Comme d’autres mots de ce lexique, médiation appartient davantage à la tradition ignatienne qu’à saint Ignace proprement dit, même si l’esprit des Exercices spirituels en justifie aujourd’hui la lettre, et une théologie de la création, une théologie de l’incarnation, une spiritualité de l’éducation en légitiment l’emploi. Le monde est une médiation puisque la création est le signe des perfections invisibles de Dieu ; le Christ est médiation puisque Jésus dit à Philippe : «Qui me voit voit le Père » (Jn 14, 8). L’idée d’exercice – spirituel ou profane – présuppose que personne n’entre dans la connaissance intime d’une réalité sans passer par une initiation dont la progression est graduée. L’immédiateté reste externe et possède quelque chose de violent. La médiation – celle du temps, des répétitions, des sens, du corps, des paroles, de la culture – donne à l’homme d’intérioriser l’essentiel, d’éprouver à l’intime de lui‐même, de sa singularité, la vérité de ce qui ne vaut pas seulement pour lui mais pour tous. Ne pas introduire immédiatement autrui au centre d’une discipline, ne pas le jeter directement dans les choses spirituelles, revient à respecter sa liberté et lui permettre d’accéder par lui‐même à la réalité vivante, toujours neuve, de l’essentiel.

La motion est ce qui nous pousse dans une direction. Tout événement psychologique devient une motion, dès que sont repérés d’une part la cause de ce mouvement intérieur, et de l’autre ce à quoi cet événement psychologique aboutit dans l’affectivité – plaisir ou souffrance.

La motion exerce une action motrice sur l’âme. Dans l’environnement de prière et de présence à soi‐même que favorisent les Exercices spirituels, il devient possible de faire l’épreuve fondatrice de ceci : Dieu et les bons esprits sont toujours à l’origine de ce qui aboutit au bonheur de la consolation ; l’ennemi contrecarre constamment ce dessein, fût‐ce par de fausses consolations. Une motion est bonne si elle nous pousse vers Dieu. Une motion repérée comme mauvaise parce qu’elle nous détourne de Dieu est une invitation à nous orienter autrement.

La motion est capitale pour comprendre ce qu’est, pour Ignace de Loyola, le discernement. Apprendre à connaître les motions, puis à les interpréter, est une part importante du pro‐ grès spirituel propre aux Exercices spirituels. Veiller à cet apprentissage est aussi une tâche éducative qui permet de conjuguer connaissance de soi et connaissance de Dieu.

Bibliographie :

  • Claude Viard s.j., « Le discernement des mouvements intérieurs », Christus, n° 170 HS, 1996, p. 262-265.

La relecture est une des pratiques essentielles de la formation ignatienne, grâce à laquelle il s’agit de relire sa vie pour l’ordonner. Elle consiste à exercer sa mémoire et son intelligence sur une expérience faite, ou même toute sa vie passée pour tenter d’en dégager le sens et de s’améliorer soi‐même. C’est s’arrêter régulièrement pour relire les évènements et les émotions qu’ils suscitent ; discerner ce qui fait grandir ; choisir pour un mieux, un davantage. Comment relire ? C’est repérer et distinguer : ce qui arrive (les faits) ; ce que cela me fait (mes ressentis) ; ce que j’en fais (ma liberté d’agir).

La pratique de la relecture prend sa source dans la Bible. Relire sa vie pour y lire Dieu, telle est l’expérience biblique : le peuple d’Israël n’a cessé de relire son passé et c’est au cœur de cette relecture qu’est née son espérance messianique ; Jésus a invité les disciples d’Emmaüs à relire avec lui sa vie et sa mort dans l’histoire d’Israël pour qu’elles y prennent sens et signification (Lc 24, 13‐35). Il n’y a pas de progrès spirituel en dehors de la durée assumée, du passé relu et unifié dans l’accueil de l’avenir. Dans les Exercices spirituels, saint Ignace a déployé avec méthode cet effort de lucidité et de vigilance au travers de l’exercice spirituel de l’examen qui aura une grande fécondité en terme de pédagogie spirituelle (relecture, révision de vie, prière d’Alliance).

Bibliographie :

  • « Relire sa vie pour y lire Dieu », Vie Chrétienne, n° 354, 1995 ;
  • Daniel Casadebaig, « Libres propos sur la relecture », Christus n° 230 HS, 2011, p. 75-80 ;
  • Pierre Gouet s.j., « L’examen : prière d’Alliance », Christus, n° 170 HS, 1996, p. 59-61 ;
  • François Marty s.j., « L’examen prière continuelle », Christus, n° 178 HS, 1998, p. 163-172 ;

Pour une personne qui fait les Exercices spirituels, faire une répétition est à comprendre, selon l’étymologie du verbe latin repetere (c’est‐à‐dire « regagner un lieu », « redemander »), comme une manière de revenir sur tel ou tel point déjà médité ou contemplé, pour y trouver plus encore. Cela n’a rien à voir avec une reprise d’ensemble de ce qui a déjà été médité ou ressenti.

Dans les Exercices, Ignace de Loyola veut que ceux des exercices qu’il juge plus importants soient répétés plusieurs fois, au besoin sous une forme légèrement différente.

Le cheminement proposé dans les Exercices Spirituels appelle chacun à s’engager dans le monde. Chacun est appelé à collaborer avec Dieu dans le monde, à la suite du Christ, pour faire advenir le Royaume.

Ainsi, par exemple, les jésuites sont engagés dans des missions extrêmement variées. Cette diversité vient de l’intuition qu’aucun aspect de la vie humaine n’est étranger à Dieu. Pour les dix prochaines années, les missions des jésuites suivent quatre grandes orientations qu’on appelle les Préférences Apostoliques Universelles :

  1. Montrer la voie vers Dieu à travers les Exercices Spirituels et du discernement
  2. Marcher aux côtés des pauvres et des exclus
  3. Accompagner les jeunes dans la création d’un avenir porteur d’espérance
  4. Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de notre Maison Commune

Sources :

Les préférences apostoliques universelles de la Compagnie de Jésus | Jésuites (jesuites.com)

Les sens du corps ont une place importante dans la spiritualité ignatienne et la pédagogie qui en est issue. Cette manière de donner, dans la vie spirituelle, toute sa place à la dimension corporelle de la personne est à mettre, avec la prise en compte de l’affectivité, à l’actif du réalisme ignatien.

Les Exercices spirituels accordent une place décisive au « sentir ». Ainsi pour Ignace de Loyola : 1. Personne n’est jamais dans une neutralité affective ; 2. L’affectivité, qui donne de sentir, n’est pas un mal mais à la fois un instrument à mettre en œuvre et une donnée dans laquelle la personne doit se construire ; 3. Il s’agit, en fin de compte, d’apprendre à se libérer des « attachements désordonnés », c’est‐à‐dire qui détournent de la fin pour laquelle l’homme est créé (« Principe et Fonde‐ ment », Ex. sp. 23).

À partir de la deuxième semaine des Exercices spirituels, saint Ignace propose une « application des sens » comme dernier exercice de la journée du retraitant. Il invite ainsi celui qui reçoit les Exercices à se laisser toucher, à travers sa sensibilité, jusque dans son corps, par Jésus‐Christ, le Verbe de vie, rendu visible, audible et palpable à nos sens. Les Exercices accordent une place décisive au « sentir ». La sensibilité est, certes, à former, mais aucune intériorisation des réalités spirituelles n’a lieu sans elle. Tous nos sens sont de bonnes portes d’entrée dans l’expérience spirituelle et la découverte de la vie intérieure. Un établissement jésuite est un lieu où apprendre à voir, sentir et goûter, et par là éprouver le réalisme de l’Incarnation : Dieu a créé un monde bon, et même très bon ; il a choisi de se faire l’un de nous pour conduire chacun au meilleur de lui‐même et le libérer de tout ce qui l’entrave dans sa marche sur ce chemin ; la Création se poursuit donc de façon dynamique avec nous.

« Tout homme est une histoire sacrée » (Patrice de La Tour du Pin). Sentir la Création suppose de la laisser venir à soi et de la laisser résonner en soi : un établissement jésuite porte attention au développement de l’intériorité.

Bibliographie :

  • Xavier Nucci s.j., « Sentir et goûter », Christus, n° 230 HS (2e éd.), 2014, p. 128-133.

« S.J. » est la dénomination habituelle dans l’Église catholique de l’ordre de saint Ignace de Loyola, autrement appelée «Compagnie de Jésus », en latin « Societatis Jesu ». Il a pour emblème le monogramme « I.H.S. », pour « Iesu Hominum Salvator » (« Jésus des Hommes le Sauveur »). La devise, inscrite au fronton de la Curie généralice, siège des jésuites à Rome est « Ad majo‐ rem Dei gloriam » (« Pour une plus grande gloire de Dieu »).

Bibliographie :

  • Dominique Avon et Philippe Rocher, Les jésuites et la société française (XIXe-XXe siècles), Privat, Toulouse, 2001 ;
  • « Jésuites. Des hommes aux frontières », Études HS, 2013 ;
  • Jean Lacouture, Jésuites, une multibiographie, 2 vol. (1 : Les conquérants ; 2 : Les revenants), Seuil, Paris, 1995 ;
  • Philippe Lécrivain s.j., Les jésuites, Eyrolles, Paris, 2013 ;
  • ID., Les missions jésuites. Pour une plus grande gloire de Dieu, Gallimard, Paris, 2005 ;
  • John O’Malley s.j., Une histoire des jésuites. D’Ignace de Loyola à nos jours, Lessius, Namur-Paris, 2014 ;
  • Nikolaas Sintobin s.j., Moquez- vous des jésuites… Humour et spiritualité, Fidélité, Namur-Paris, 2016 ;
  • « Visages ignatiens », Sources Vives, n° 41, 1992 ;
  • Voir Dieu en toutes choses. Prières et textes ignatiens, Desclée de Brouwer, Paris, 2006 ;
  • Un feu qui allume d’autres feux. D’Ignace de Loyola à la Compagnie de Jésus et la famille ignatienne, Supplément à Saint Régis et sa Mission, Lalouvesc, 2014.

Plusieurs ordres religieux et mouvements laïcs se disent de « spiritualité ignatienne ». Ce qui caractérise cette dernière c’est qu’il s’agit tout d’abord d’une spiritualité qui s’expérimente. En effet, on ne lit pas les Exercices Spirituels, mais on les vit tout au long d’un parcours. Dans cette expérimentation, saint Ignace nous invite à engager tout notre être : notre imagination, nos cinq sens, notre intelligence, notre volonté…

La spiritualité ignatienne prête une grande attention au discernement spirituel (écoute de sa vie intérieure, relecture…) qui permet, notamment, de faire des choix éclairés.

C’est une spiritualité qui peut se vivre dans la vie ordinaire, dans toutes nos actions. On peut ainsi prier en cuisinant, en travaillant, en marchant dans son quartier…

« Trouver Dieu en toutes choses » pourrait la résumer. Il s’agit de porter un regard bienveillant sur toutes les choses du monde.

A venir